Et tout le tremblement / V. Brocvielle
« Les corps se frôlent avec un bruit de feuilles sèches. Les muqueuses elles-mêmes s’en ressentent. Un baiser rend un son indescriptible. Ceux qui se mêlent encore de copuler n’y arrivent pas. Mais ils ne veulent pas l’admettre. »
Samuel Beckett, Le Dépeupleur, 1970.
Le monde est un cylindre. Le corps est une arène. Mais on ne veut pas l’admettre. Dans Le Dépeupleur, Samuel Beckett décrit avec précision cet endroit peuplé d’humains gesticulants en pure perte. Il s’agit d’un cylindre de cinquante mètres de pourtour à l’intérieur duquel oscillent la température et la lumière. Une caverne à ciel ouvert. Un lieu de séjour où des corps se cherchent en vain et tentent de fuir, en vain.
Olivier Nottellet crée depuis quelques années un monde de cet ordre (peuplé de dépeuplés, vivotant, beckettien). Ses dessins et ses installations forment un vaste cylindre, une carrière, un creuset où couve la catastrophe. Le péril menace. C’est frappant. Sidérant. Ça a lieu. Ça va venir. C’est imminent.
Et puis non. Le prochain dessin contredit le précédent, il l’empêche d’être le dernier. Des milliers d’encres sur papier cohabitent désormais, elles forment une arche. Des étais de bois sont apparus ça et là. Des remblais, des murs de soutènement. La réserve blanche irradie les décombres. L’accumulation des dessins crée l’œuvre, comme le déséquilibre crée la marche.
On peut se demander : quel était le danger, pourquoi cela menace-t-il de s’effondrer de nouveau, c’est quoi le péril ? On peut se dire : par quel concours de circonstances, jusqu’où ça va… comment ça tient encore ? Les installations et les dessins d’Olivier Nottellet attestent d’un ordre instable. C’est leur côté grande leçon. On reste interdits, témoins d’une fable où tous sont frappés, les hommes, les animaux, les objets. On rit de leurs tourments – la mécanique burlesque fonctionne à plein. On s’interroge quant à leur opiniâtreté. Pourquoi ces êtres se malmènent-ils de la sorte ? Pour de rire ?
Parfois, il est question du travail, du monde du travail, de son organisation. Il est aussi question de justice, de tribunal populaire, de visite médicale, de mise au placard, d’écart de salaire, de frustration, d’arbitraire. Cela nous concerne. On ne veut pas l’admettre.
Vincent Brocvielle
Expos / Projets
2013
2012
- Centre de gravité / Nanterre
- Around / 30ème Biennale d’Art Contemporain Sao Paulo, Brésil
- Traverse / Annemasse
- Ravalé-étiré / St-Étienne
2011
- Tout le tremblement / Sélestat
- Farine-Feutrine / Le Plateau
- La rivière au bord de l’eau / Aubusson
- Console le jeu / Le Sourn
- Mur porteur / Paris
- Le terrain vague / Sérignan
2010
- Never ending table / Amsterdam
- Juge et partie / Villeurbanne
- Lux claustri / Nancy
- La balance des blancs / Paris
- Levure / Chatellerault
2009
2008
- La surface de réparation / Bruxelles
- La synchronisation du monde du travail / Grenoble
- Vue imprenable / Nice
- Dark side of the mood / New-York
- Bivouac et autre salle de sport / Caen
2006
- Le ring des rouleaux / Saint Fons
- Olivier Nottellet / Noisy-le-Sec
- Du vent dans les cordes / Cajarc
- Faites peur / Sète
- L’égosystème / Poitiers